mercredi 18 octobre 2006

L'attaque du Mille-pattes

il y a des matins comme ça où tout va trop vite. à peine réveillée, les évènements s'enclenchent et défilent sous nos yeux à toute vitesse. les minutes s'affolent. sur le coup, le réveil en oublie l'heure et sonne quelques quinze minutes après son horaire habituel. la panique se poursuit dans la cuisine où même le présentateur radio avale ses mots sans les macher, la musique semble fixée sur ''avance rapide'' et la pub disparaît mystérieusement. dans la salle de bain, c'est une toute autre histoire. la douche coule si lentement sur mon visage qu'elle m'entraine dans une torpeur bienvenue. mais à peine sortie de cette brume bienveillante que la vitesse me redonne le tournis. je cours je cours je cours. d'une pièce à l'autre; d'une pensée à l'autre.
et soudain, je le vois. il fonce vers moi. toutes pattes dehors, tête tendue et corps ondulé. il avance à une allure d"au moins 30 noeuds. sans réfléchir, n'écoutant que mon angoisse, j'abats mon chausson fleuri sur son corps démesuré. un bruit mat illustre la mort de ce mille-pattes: pok. puis tout s'arrête. les minutes s'égrennent de nouveau lentement. le présentateur, au loin, dans la cuisine, parle d'une voix audible.
et je vais avoir mon bus.
et si 2 et 2 ne faisait pas 4
et si le soleil ne revenait pas demain matin
et si la 24 ne courait plus sur Sherbrooke
et si les nuages ne formaient plus de baleines géantes
et si rêver les yeux au plafond n'apportait pas l'inspiration
et si la caresse de ta main n'avait plus rien de romantique
et si l'océan n'était plus rempli de plancton
et si le Ré ne venait plus après le Do
alors il ne me resterait qu'à devenir un amalgame de roches, un caillou, un quartz. boire un peu, beaucoup, passionnément. avaler des pilules, des couteaux, des amants. ouvrir la fenêtre et laisser les particules s'envoler.
mais je vois déjà les rayons du soleil se profiler. mon saxophone se trompe un peu mais donne encore la note juste. quant à ta main, elle fait toujours frissonner la mienne.
je ne mourrai pas encore cette nuit.