samedi 3 mars 2007

Comme par hasard

[...] Le verbe est devenu du verbiage. Tout le monde a son mot à dire.

Le mot ne montre plus. Le mot bavarde. Le mot est littéraire. Le mot est une fuite. Le mot empêche le silence de parler. Le mot assourdit. Au lieu d'être action, il vous console comme il peut de ne pas agir. Le mot use la pensée. Il la détériore. Le silence est d'or. La garantie du mot doit être le silence. Hélas! c'est l'inflation. Ceci est encore un mot. Quelle civilisation! Il suffit que mes angoisses s'éloignent et je commence à parler au lieu de cerner la réalité, ma réalité, les réalités, pour que le mot cesse d'être un instrument de fouille; je ne sais rien du tout; cependant, j'enseigne. Moi aussi j'ai mon mot à dire.

Eugène Ionesco, Journal en miettes, Gallimard, 1967.

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