jeudi 25 septembre 2008

Les quatre saisons de la Souris


Automne

Ça commence par un frisson le long de l'échine. Puis vient la mine de dégoût.
On sort les vieux gilets pour traîner dans la maison, étendre son linge ou descendre les poubelles. On s'emmitoufle dans une couverture en coton (pas encore en laine) pour regarder sa série préférée, le soir, après le souper. On laisse ses chaussons au pied de son lit, en prévision du matin frais.
Aller au travail en vélo demande toute une organisation. Il faut prévoir la paire de mitaines, le cache-oreilles, le manteau de pluie. Ne pas mettre de trop gros pulls mais au contraire plusieurs petites épaisseurs. Oublier les ballerines et chausser plutôt de bonnes chaussures de randonnée.
Les journées au travail s'allongent et les minutes de soleil diminuent. Les pique-niques se raréfient, pour s'éteindre complètement vers le 15 octobre. Le réveil devient plus difficile. Il n'y a plus d'oiseaux sur l'arbre face à la chambre. Juste quelques écureuils encore naïfs et insouciants, sautant d'une branche à l'autre, les bajoues remplies de graines et de noix.
Les insectes cherchent refuge dans les maisons, sous les guidons des bicyclettes, dans les interstices des murs. Il faut toujours regarder sous son oreiller pour ne pas avoir de surprise.
Et il y a la pluie. Froide. Grise. Tranchante.
Celle qui provoque des frissons. Et des mines de dégoût.

Mais l'automne, c'est aussi le retour des bottes qui donnent si facilement à la silhouette une allure de défilé de mode. C'est la saison des cols roulés portés sans écharpes, sous une simple veste. C'est l'époque glorieuse du blouson de cuir qui nous permet d'être rebelle quelques heures par jour.
Les pistes cyclables se vident. Le soleil du matin devient plus précieux, plus joli, plus brillant. Caléidoscopes de couleurs. Impression de retrouver l'usage de ses poumons: air frais, vivifiant, sain.
C'est le moment des rendez-vous chocolat. La tasse brûlante dans les mains, la fumée qui s'envole devant nous, on part en balade au parc. On se serre l'un contre l'autre sur le banc de bois, le visage tourné vers le ciel. On laisse le soleil caresser notre peau.
Et puis, il y a la magie des lanternes au Jardin Botanique, le plaisir qu'on n'avait pas eu enfant de trouver son déguisement pour Halloween, le bonheur de recevoir ses amis chez soi autour de la première raclette de la saison. On abandonne les cocktails glacés pour le vin cuit à la cerise; les salades de tomates pour le potage aux carottes. On achètes des kilos de pommes pour parfumer la cuisine. Quelques fois, on en fait une tarte. La plupart du temps, de la compote (moins compliqué et plus doux pour le palais).

Et oui, il y a la pluie. Froide. Grise. Tranchante.
Mais il y a aussi les bains chauds. Et nos deux boules de poils qui se glissent sous les couvertes en ronronnant.
Bonheurs simples d'automne.

mercredi 24 septembre 2008

En face

Elle se regarde fixement dans le miroir. Elle cherche les différences. Peut-être la gerçure au coin des lèvres? Peut-être le rouge des pommettes?

Elle ne voit qu'elle pourtant. pas de masque. Pas d'émotion particulière. Pas de culpabilité.

Juste deux grands yeux sombres qui la dévisagent.
Oui, tu es toujours la même qu'hier. Tu es celle que tu ne voulais pas devenir. Tu l'es depuis le début.

Elle bat des cils et retrouve son sourire. Elle se trouve jolie ce matin.

dimanche 21 septembre 2008

Parce que je l'aime. point. peu importe que 60 millions d'auditeurs pensent la même chose que moi.


Elle écrit seule à sa table et son café refroidit
Quatre mètres infranchissables, un bar un après-midi
J'avais rendez-vous je crois, j'avais pas le temps
Avec un pape ou peut-être un président
Mais la fille est jolie et les papes sont souvent patients

Elle était là dans son monde, son monde au beau milieu du monde
Loin, ses yeux posés ailleurs, quelque part à l'intérieur
Plongée dans son livre, belle abandonnée
En elle je lis tout ce qu'elle veut cacher

Dans chacun de ses gestes un aveu, un secret dans chaque attitude
Ses moindres facettes, trahie bien mieux que par de longues études
Un pied se balance, une impatience, et c'est plus qu'un long discours
Là, dans l'innocence et l'oubli
Tout était dit

On ne ment qu'avec des mots, des phrases qu'on nous fait apprendre
On se promène en bateau, pleins de pseudo de contrebande
On s'arrange on roule on glose on bienséance
Mieux vaut de beaucoup se fier aux apparences
Aux codes des corps, au langage de nos inconsciences

Muette étrangère, silencieuse bavarde
Presque familière, intime plus je te regarde

Dans chacun de tes gestes un aveu, un secret dans chaque attitude
Même la plus discrète ne peut mentir à tant de solitude
Quand ta main cherche une cigarette c'est comme une confession
Que tu me ferais à ton insu

A ta façon de tourner les pages, moi j'en apprends bien davantage
La moue de ta bouche est un langage, ton regard un témoignage
Tes doigts dans tes cheveux s'attardent, quel explicite message
Dans ton innocence absolue

Et ce léger sourire au coin des lèvres c'est d'une telle indécence
Il est temps de partir, elle se lève, évidente, transparente
Sa façon de marcher dans mon rêve, son parfum qui s'évanouit
Quand elle disparaît de ma vie
Tout était dit
Tout était dit

( Jean-Jacques Goldman, Tout était dit, in En Passant, 1997)

Ce n'était sans doute pas une bonne idée, en effet.

Je n'ai jamais pédalé aussi vite avec autant de poids dans mon panier. Sans casque, les cheveux en bataille, le vent froid sur mon visage, j'ai dévalé les pentes à toute vitesse. Plaisir coupable. Bref sentiment d'être en vie.
Je suis arrivée devant la porte de chez moi sans m'en rendre compte. Le coeur près à bondir hors de sa cage. Le souffle court. La goutte au nez.
Mes mains et mes jambes tremblaient.
Trop d'émotions, de colère, de désillusions.

J'ai voulu effacer ces quelques heures. Effacer cet inconfort. Oublier les affronts, la gène, la culpabilité. Oublier la tristesse. J'ai voulu égarer ces sentiments trop intenses. Je me suis à peine égarée moi-même. Tout juste perdue quelques minutes dans les zigzags de la circulation, les lumières des voitures et les ombres des ruelles.

Je suis maintenant assise à mon bureau, devant l'écran de mon ordinateur, le regard fixé sur le curseur qui s'agite. J'écoute Sarah McLachlan.
Des bribes du passé remontent à ma mémoire. Odeur et sensations de ma première année de vie ici. Même fatigue, même colère, même impuissance qu'aujourd'hui. Pourquoi?


Il y a ces barrières qu'il ne faut franchir sous aucun prétexte. Ces lignes invisibles qui délimitent notre chemin.
Il y a cette part de l'autre qu'il ne faut pas connaître. Pas comme cela.
Il y a ces masques qu'il ne faut pas porter. Ces rires faux qu'il vaut mieux garder pour soi.
Et il y a surtout notre estime de nous-même qu'il ne faut pas piétiner. Jamais. Pour personne.

Suis-je assez forte pour cela?

dimanche 14 septembre 2008

Parachute

il est 6h07 et je somnole dans le bus intercommunal qui me conduit à la gare. mon visage est posé contre la fenêtre. près de mes lèvres, un petit nuage de buée se forme. il fait froid. les passagers ne parlent pas, ne lisent pas, ne mangent pas. ils finissent leur nuit.
Coldplay joue dans mes oreilles. tempo lent des matins gris. lumière clignotante au creux de l'hiver.
les paroles glissent sur moi comme les gouttes de pluie sur la vitre du bus. je rejoue une tragédie irréelle et insoluble. et je n'y comprends rien. je ne cherche plus à comprendre. la musique coule plus fort en moi et m'emporte dans une bulle protectrice.

il est 23h14 et je somnole devant mon écran d'ordinateur. le curseur clignote dans l'attente d'une parole, d'une phrase, d'un paragraphe. il n'y a pas grand chose à dire pourtant. la chaleur ici est étouffante. l'humidité, écrasante. pas un bruit dehors. les voisins dorment. la nuit est d'encre.
j'écoute encore Coldplay. il n'y a plus vraiment de tragédie. irréelle ou pas. juste cette lente mélancolie.

sept ans séparent ces deux instantanés kodak. que s'est-il passé entre les deux?

samedi 13 septembre 2008

grrr

je sais pourquoi je déteste l'automne: on ne sait jamais quoi porter!
ça fait 30 minutes que je fouille dans ma garde-robe, et je peux vous le dire, si je continue à fulminer comme ça, elle va bientôt prendre feu!

vendredi 12 septembre 2008

Le temps est à l'orage.
Laissons le tonnerre éclater et les éclairs réveiller les âmes endormies.
Feu d'artifices ce soir.
Les hommes prieront et les dieux riront.
Nous les regarderons sans mentir. Nos mains jointes mais nos langues déliées.
Le ciel brulera et les larmes couleront.

Au loin, l'arc-en-ciel percera.
Nous l'espérons.

Jeanine Médicament Blues

Hey bonsoir Mr Blues... bonsoir Mr Cafard
Bonsoir vieille compagne, Mrs araignée noire
Je ne vous avais pas sonné, j' préfère pas trop vous voir
Mais puisque vous êtes là, vous pouvez vous asseoir
On va se faire une fête rien qu'entre vous et moi
Nous arranger la tête les grands dans les petits plats.

Puisque mes sentiments sont en panne de moteur
Puisque je ne sais plus où pourquoi à quelle heure
Moi j'ai quelques amis qui me laissent jamais tomber
En liquide en pilule en poudre en comprimé
Les seuls à pouvoir encore me faire ressentir
Des morceaux d'émotion des bouffées de plaisir.

Une rose pour la vie
Une rouge pour l'amour
Une noire pour la nuit
Et une bleue pour le jour
Une jaune pour être speed
Une mauve pour être cool
Orange pour le rire
Et marron pour les moules
Une blanche pour être bien
Une verte pour la route
Et Jeanine Jeanine Jeanine pour éviter le pire.

Quand les fêtes de la chandeleur sont bien terminées
Qu'il ne reste plus un roi plus une reine a tirer
Quand j'ai tout à l'envers, quand je tiens plus la route
Quand il n'y a plus de mystère et plus l'ombre d'un doute
J'ai toute une panoplie rangée dans un placard
Superinsecticide spécial anti-cafard.

Ne laissez plus vos sens dans les mains du hasard
Au gré de vos amours des retours des départs
Quand petit papa Noël pas descendu du ciel
Quand seul dans ton dodo plus de petit cadeau
Décide donc toi-même d'être bien d'être mal
Le bonheur en couleur sécurité sociale.

Une rose pour la vie
Une rouge pour l'amour
Une noire pour la nuit
Et une bleue pour le jour
Une jaune pour être speed
Une mauve pour être cool
Orange pour le rire
Et marron pour les moules
Une blanche pour être bien
Une verte pour la route
Et Jeanine Jeanine Jeanine pour éviter le pire.

(Jean-Jacques Goldman, Jeanine Médicament Blues, in Minoritaire, 1983)